Scolarisation d’enfants autistes : un casse-tête chinois pour les parents

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Des enfants autistes lors de la fête des congés de Noël

Au Burkina Faso, tous les enfants ont droit à l’éducation. Cependant, le droit à l’éducation des enfants atteints d’autisme, se heurte à d’énormes difficultés. Si ce n’est pas l’école qui les refuse, ce sont les enseignants qui se plaignent d’absence de formation et de matériels didactiques adéquats pour les enseigner. La conséquence directe est que les enfants sont laissés au sort de leurs parents. Trouver une école pour inscrire son enfant autiste, devient alors un casse-tête chinois pour eux.

Ils sont nombreux ces parents d’enfants autistes, surtout déplacés internes, qui souffrent à trouver une école pour leur progéniture. Bien que, les textes et lois garantissant le droit à l’éducation au Burkina Faso soient très fournis. Par exemple, l’article 9 de la loi 012-2010/AN, portant protection et promotion des droits des personnes handicapées, dispose que « l’éducation inclusive est garantie dans les établissements préscolaires, primaires, post-primaires, secondaires et universitaires ».

L’autisme, également appelé Trouble du Spectre Autistique (TSA), est une ‘’ maladie’’ neuro-développemental qui affecte le fonctionnement du cerveau. Il occasionne des difficultés dans la manière dont une personne communique, interagit socialement et gère ses comportements. L’autisme se manifeste différemment d’une personne à une autre.

L’état des lieux de l’autisme au Burkina
Directeur de L’ABAPE, Boukari Pamtaba 

Selon Boukari Pamtaba, Directeur du Centre Association Burkinabè d’Accompagnement Psychologique et d’Aide à l’Enfance (ABAPE), l’autisme est un mal méconnu au Burkina Faso. Il n’y a pas de statistiques officielles sur le sujet. Pourtant, le mal est réel et met en mal la vie dans notre société. Il explique que les enfants autistes envoyés dans le système éducatif classique sont régulièrement refusés.

A écouter Cyrille Nikiema, responsable des parents d’élèves autistes du Centre ABAPE, il est difficile de comprendre ce refus des enfants autistes dans nos écoles. Il se fonde sur le fait que la loi d’orientation de l’éducation en son article 3 soutient que « toute personne vivant au Burkina Faso a droit à l’éducation… ». Les textes sont pourtant clairs, s’offusque-t-il.

C’est avec une gorge nouée qu’il nous raconte combien il est « difficile de parler sans être envahit par l’émotion. Tous les parents d’enfants autistes souffrent intérieurement. Quand tu vas avec eux quelque part, tout le monde te regarde on dirait un extra-terrestre. Le pire, lorsque vous avez un niveau de vie un peu élevé, les gens disent que vous avez sacrifié votre enfant pour devenir riche ».

Cyrille Nikiema, responsable des parents d’élèves autistes du Centre ABAPE

Madame Ky, encore appelée maman de Jonathan, est mère d’enfant autiste. Son quotidien n’est pas aisé. Avant de trouver le centre qui accueille actuellement son fils autiste, elle faisait quotidiennement la navette entre Ouagadougou et Kombissiri (son lieu de travail situé à une quarantaine de kilomètre de Ouagadougou).
Après le refus d’accorder l’inscription à son fils dans l’une des écoles du système classique, cette brave dame ne s’est pas résignée. Elle a fini par trouver un centre spécialisé de prise en charge d’enfants autistes. « J’ai inscrit mon enfant au centre ABAPE à l’âge de trois ans. Il a fait deux ans à la petite section, deux ans à la moyenne section et deux ans à la grande section ». Malgré ce rythme d’avancement de son fils, maman de Jonathan dit être satisfaite. Car, aujourd’hui, grâce à l’accompagnement du centre, l’enfant a pu intégrer une école classique. « Il fait la classe de CE1 et a obtenu pour la composition des congés de noël de la rentrée scolaire 2023-2024, sept de moyenne (07/10) ». C’est avec son pouce levé qu’elle achève de déclamer la moyenne de Jonathan.

La prise en charge psychologique diffère d’un enfant à un autre, nous fait savoir le psychologue du centre ABAPE, Jacques Ouédraogo. Etant donné que les besoins ne sont pas les mêmes, la prise en charge est aussi personnelle. « C’est un travail de patience. On n’est pas pressé. On va doucement. En fonction des besoins pressants de l’enfant, on essaie d’organiser par priorité. Pour certains, nous commençons par l’hygiène corporelle », nous fait savoir le psychologue.

De l’avis de Boukari Pamtaba, des trois domaines affectés par l’autisme, c’est celui du déficit relationnel qui domine. C’est ce déficit qui crée celui d’interaction entre l’enfant et les siens. Pour lui, plus l’enfant n’arrive pas à communiquer, plus il n’arrive pas à exprimer ces besoins et cela crée en lui des crises de frustrations. « Son comportement devient de ce fait une conséquence du déficit relationnel et communicationnel ». A contrario, plus l’enfant arrive à exprimer ces besoins, plus le trouble de comportement diminue, a laissé entendre Pamtaba.

Quelques inclusions malgré tout!

Des enfants autistes lors de la fête des congés de Noël 

Si certaines écoles sont à l’origine d’obstacles à l’éducation inclusive, d’autres par contre contribuent à donner de la chance à tous les enfants sans distinction. C’est le cas de l’école primaire privée Bangré. Elle accueille les enfants autistes grâce au plaidoyer du centre ABAPE. La première promotion à intégrer le système classique à l’école primaire Bangré a composé le CEP 2022.

La collaboration entre les élèves autistes et leurs camarades de l’école Bangré est bon enfant. Selon le directeur de l’école primaire Bangré, Simplice Zeba, « un peu comme tout enfant en situation de handicap, la collaboration avec les autres enfants dès les premiers instants ne va pas de soi. Cependant, au fur et à mesure, on sent que les enfants commencent à comprendre, et les enfants autistes également finissent par s’adapter ». Affirme-t-il.

Habibou Legma est monitrice et appuie la maîtresse dans l’encadrement des élèves autistes intégrés dans le système normal à l’école Bangré. Elle explique que ce n’est pas une tâche simple. Pour illustrer ses propos, elle nous raconte un cas pratique : A la 2e composition de l’an dernier au CE2, le contenu du sujet était : ‘’tu as été effrayé par un animal : Raconte’’. C’est un sujet incompris car, « la plupart de nos enfants autistes n’ont pas peur des animaux. Du coup, ils ne peuvent pas être effrayés. De ce fait, il leur est pratiquement impossible de décrire leur frayeur ». Mais, elle soutient que cela ne veut pas dire que les enfants autistes intégrés dans le système classique bénéficient d’enseignement différent. Dès qu’ils intègrent le système normal, ils suivent les mêmes cours que tous les autres élèves. Toutefois, la monitrice reconnait que souvent « nous passons plusieurs jours sur l’explication d’un cours ».

Des élèves autistes en plein cours

600.000f cfa/an pour la prise en charge scolaire d’un enfant autiste

A trois ans, il n’arrivait toujours pas à parler. Aujourd’hui, après quelques années passées au centre ABAPE, le petit Yanis a pu intégrer le système éducatif classique. Il fait la classe de CM2. Nous l’avons vu lire un discours à la journée mondiale de l’autisme le 1er avril dernier.
Ursule Kaboré, représentant la ministre de l’action sociale à la célébration de la journée mondiale de l’autisme 2021, a affirmé que la prise en charge psychoéducative d’un enfant peut s’élever jusqu’à 600.000fcfa par an sans compter les frais de scolarité.

Il faut changer le regard

Avoir accès à l’éducation et aux loisirs n’est pas seulement une question d’équité social. C’est une question importante pour le développement mental de l’enfant. Pour Dr Ramata Bakyono/ Nabaloum, enseignante chercheure à l’université Joseph Ky Zerbo « Les enfants autiste ont aussi besoin de se réaliser et de vivre leur vie au sein de la société et de la famille ».

Le changement de regard sur ces enfants autistes passe selon le Dr Sylvain Ouédraogo par le dépistage précoce de l’autisme afin de permettre une intervention rapide. Plus tôt le trouble est identifié, plus tôt des mesures peuvent être prises pour améliorer le développement global de l’enfant.
Au niveau de la formation du personnel, il faudra investir davantage dans la formation continue du personnel médical, éducatif et social pour améliorer leur compréhension de l’autisme.

Notons qu’au-delà de l’autisme, il existe au Burkina Faso quelques centres ou écoles qui promeuvent l’éducation inclusive des personnes vivant avec un handicap. On peut citer par exemple l’école des jeunes aveugles (EJA) de Gounghin à Ouagadougou, l’école spécialisée des enfants sourds à Garango et le Centre de formation intégrée des sourds et des entendants (CEFISE) etc.

 

                    Abdina TRAORE (Burkina Faso)

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