Quand ces femmes résilientes deviennent de véritables pourvoyeuses de revenu pour leurs familles.
Ils sont de Dablo, Pensa, Kelbo, Mané, Arbinda etc. Pour la plupart ils ont trouvé refuge dans des zones en sécurité comme Kaya. Cependant Kaya n‘est pas la seule ville à accueillir les personnes déplacées internes (PDI). Des localités comme Ouagadougou, Tenkodogo, Fada Ngourma et autres sont des endroits de refuge pour ces PDI. Dans ce nouveau contexte difficile marqué par l’absence de sécurité, les de personnes déplacées internes constituées de, les femmes et de les jeunes filles, refusent de s’apitoyer sur leur sort. Elles sont résilientes et sont devenues ‘’cheffes de famille’’, en dépit de quelques aides d’aides minimes qu’elles reçoivent.
Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord est une localité située à une centaine de kilomètre de Ouagadougou. La ville abrite 24 sites d’accueils de personnes déplacées internes. Malgré ce nombre, tous les déplacés ne sont pas logés, car facilement perceptibles dans tous les coins de la ville. Si certains sont logés sur des sites reconnus par l’autorité, d’autres se baladent dans la rue à la recherche de la pitance quotidienne ou encore pour mener des activités génératrices de revenue. En effet, depuis maintenant huit (08) ans le Burkina Faso vit une crise sécuritaire ayant entrainée un peu plus de deux millions de personnes déplacées selon les chiffres du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR), à la date du 31 mars 2023. Des PDI constituées en majorité de femmes et d’enfants. Ces personnes ont tout abandonné dans leurs localités d’origine pour fuir les exactions des groupes armées terroristes.
Dans cette nouvelle vie, les femmes et les jeunes filles sont devenues de véritables pourvoyeuses de revenu pour leurs familles. C’est le cas de Catherine Ouédraogo, 16 ans, élève en classe de CM2 ressortissant de la ville de Mané, arrivée à Kaya avec sa famille le 04 avril 2023. Elle raconte qu’elle a abandonné l’école pour cause d’insécurité pour se réfugier à Kaya. Là, elle ne va plus à l’école. Mais ne passe pas aussi ses journées à vagabonder, car elle s’est fait recruter pour vendre de l’attiéké (du couscous à base de semoule de manioc). Cette Une activité lui permet d’avoir un revenu mensuel. Avec ce gain, elle contribue aux charges de la famille, car selon elle, elle ne vit pas sur un site de déplacés mais en location bail avec sa famille.
Tout comme Catherine, Fadila Bamogo, 17 ans, est aussi arrivée à Kaya avec sa famille du fait d’insécurité à Nagaré, son village d’origine, il y a de cela une année. Elle dit fréquenter l’école franco-arabe quand elle était à Nagaré, mais aujourd’hui elle a abandonné l’école. Les deux filles mènent la même activité. Elles sont employées en qualité de vendeuses d’attiéké. Elles perçoivent une rémunération mensuelle. A la question de savoir comment vivent-elles la situation, Catherine informe que c’est son frère ainé et elle qui mènent des activités pour soutenir la famille. Quant à Fadila, sa famille et elle doivent leur résilience à ses frères ainés installés en Côte d’Ivoire depuis longtemps.
Des femmes ‘’cheffes de foyer’’
Comme les deux filles, Tenin Sawadogo est aussi une victime de l’insécurité. Elle explique qu’avant la crise, elle et d’autres femmes membres de l’association Zoode nooma menaient des activités agro- sylvopastorales. « Quand nous étions à Pensa, nous cultivions et pratiquions l’élevage. Pendant les saisons sèches, nous exploitions le barrage avec ceux qui viennent des villes et villages voisins », raconte-t-elle avec les yeux rivés au sol, comme pour cacher l’amertume dans son regard.
Aujourd’hui, ce sont des condiments qu’elle achète pour ensuite les revendre. Malheureusement dit-elle, cette activité qu’elle mène à la maison ne lui rapporte pas de quoi à assurer sa pitance quotidienne. Ainsi, souvent elle est obligée de sortir dans la rue se promener vendre ses condiments, malgré le fait qu’elle porte une grossesse.
Tenin est mère de six enfants dont 5 garçons et une fillette de 07 ans. « Certains de mes fils pratiquaient l’orpaillage mais entre-temps à cause des querelles sur les sites d’orpaillages ils sont revenus et sont tous au chômage », a-t-elle indiqué.
Comme Tenin, Mariam Ouédraogo, mère de cinq (5) enfants, tous scolarisés a aussi vu son quotidien basculé du fait de la crise sécuritaire. Elle et son époux vivaient à Kaya de l’agriculture et de l’élevage. « Depuis que l’insécurité a commencé nous ne pouvons pas cultiver car nous n’avons plus de zones pour aller cultiver », a-t-elle soutenu. Elle a laissé entendre qu’avant la crise, le revenu de son champ lui permettait de subvenir à ses besoins. Mais, « aujourd’hui c’est difficile, je suis obligée de faire du porte-à-porte afin d’effectuer de petits boulots pouvant me rapporter de l’argent ».
Des formations pour permettre à certaines de s’autonomiser
A Kaya, elles sont nombreuses ces femmes déplacées qui bénéficient de formations afin de les rendre autonomes. C’est dans ce cadre que nous avons rencontré Mariam Ouédraogo/Soulga, transformatrice et présidente provinciale de l’union ‘’Manegre Môogho’’. « J’ai été sollicitée par plusieurs structures pour former les femmes déplacées internes vivants à Kaya ici », a-t-elle affirmé. A notre arrivée ce jour-là au siège des transformatrices, pour échanger avec madame Soulga, nous apercevons sept femmes assises à même le sol. La plupart tenant des enfants. « Ce sont des déplacées que je forme gratuitement afin qu’elles puissent se prendre en charge et aider leurs familles », nous fait savoir la formatrice.
Une des femmes qui a requis l’anonymat nous confie que « grâce à la formation de Mariam Soulga, certaines femmes ont pu conserver leur dignité et éviter les égarements ».
A l’image de l’union des transformatrices Manegre Môogho, l’Association pour le bonheur des personnes vulnérables vole également au secours des jeunes filles déplacées internes. Elle leur apporte assistance au niveau de la scolarisation, des kits hygiéniques et offre des formations à certaines filles.
Malgré toutes ces vicissitudes que traversent ces filles et femmes touchées par la crise sécuritaire, elles gardent tout de même une bonne dose d’espoir. Elles se battent au quotidien comme elles le peuvent pour le bonheur de leurs différentes familles. Il est vrai que le ministère chargé de la femme et de l’action sociale et certaines structures font de leur mieux pour les assister, mais l’ampleur des besoins imposent plus d’actions en faveur de ces femmes.
Wakiatou KOBRE