Crise sécuritaire au Burkina Faso : Ces élèves déplacés internes résilients à Ouagadougou

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Entrée principale du Complexe scolaire Newton Descartes. Lycée dans lequel Orokia poursuit ses études en cours du soir
Au Burkina Faso, la crise sécuritaire et humanitaire a occasionné un déplacement massif des populations parmi lesquelles environs 60% sont des enfants, selon Conseil National de Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR). Ces enfants qui sont la plupart sont des élèves, tentent de poursuivre leur étude dans leur localité d’accueil. C’est le cas de Orokia, Christine et Wendkuni, élèves déplacés internes (EDI), ayant trouvé refuge à Ouagadougou.
<< Je travaille comme fille de ménage et poursuit mes études en cours du soir au Complexe scolaire Newton Descartes>>, nous explique Orokia, EDI à Ouagadougou. Âgée de 22 ans et en classe de terminale A4, Orokia a quitté Dembou, son village natal, situé à 15 kilomètres de Nouna, dans la région de la Boucle du Mouhoun, à cause de l’insécurité. <<Les terroristes sont venus dans notre village pour exiger la fermeture des écoles. Il y a donc eu affrontement entre eux (ndlr terroristes) et les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) du village. Plusieurs VDP ont perdu la vie et cela a créé la psychose dans le village. De nombreuses familles y compris la mienne ont fui le village, pour se réfugier à Nouna ville. N’ayant plus de terre cultivable et sans activités rémunératrice, mes parents ne pouvaient plus payer ma scolarité et celle de mes frères. J’ai donc décidé de venir à Ouaga chez ma tante>>, nous relate-t-elle.
Mais une fois à Ouagadougou tout ne se passe pas comme prévu pour la jeune fille. En effet, sa tante ne peut ni la garder chez elle, ni la scolariser faute de moyens financiers. Orokia est donc obligée de se trouver un travail comme fille de ménage afin d’avoir non seulement un endroit pour se loger, mais aussi poursuivre ses études en cours du soir. Elle est donc employée dans une famille habitant le quartier Dassasgho. Cette famille l’accueil et lui trouve même un vélo pour faciliter ses déplacements.
Malgré cela, elle avoue que l’adaptation n’a pas été facile, car devant désormais concilier études et travaille de fille de ménage. <<En journée c’est difficile d’étudier et réviser mes leçons à cause du travail. C’est seulement le soir quand je rentre des cours que je peux étudier. Et souvent la fatigue fait que je m’endors sur les cahiers>>, nous confie-t-elle.
Orokia en salle de classe pendant un cours de philosophie
Toutefois, la jeune fille ne se décourage pas et ne compte pas se détourner de son objectif.<< Je reste focus sur mon objectif qui est d’obtenir mon baccalauréat, trouver du travail et rendre fière mes parents. Je vais me battre pour mon avenir>>, déclare Orokia avec conviction.
<<Nous avons été accueillies par notre sœur>>
Christine et Wendkuni Sawadogo sont sœurs et respectivement âgées de 15 et 20 ans. Tout comme Orokia, elles ont été contraintes de quitter leur village à cause de l’insécurité. Originaires de Tamounouma (village situé à 30km de Gourcy, dans la région du Nord), elles ont vu leur école fermer sous la menace de groupe armé, au cours de l’année scolaire 2022-2023. <<Ils (ndlr les terroristes) sont venus menacer les enseignants en leur disant soit d’enseigner l’arabe, soit de fermer les classes. Les enseignants ont eu peur et ont quitté le village>>, nous raconte les deux sœurs. Cette situation a poussé les jeunes filles à migrer à Ouagadougou en janvier 2023, où elles sont accueillies chez leur sœur aînée.
Malheureusement, elles ne pourront pas poursuivre leur année scolaire déjà entamée à Tamounouma. << Mon époux et moi avons accueilli les filles afin de leur permettre de poursuivre leurs études. Arrivées ici, plusieurs facteurs ont fait que nous n’avons pas pu les inscrire. Elles ont perdu une année scolaire>>, nous explique madame Tandamba, sœur aînée de Christine et Wendkuni. Et d’ajouter << A leur arrivée ce n’était pas facile, car cela a changé notre quotidien. Mais je rends grâce à Dieu. Nous nous sommes tous adaptés, et Christine a pu reprendre le chemin de l’école cette année>>.
C’est donc avec joie que Christine a repris le chemin de l’école. <<L’année scolaire passée j’étais triste de rester à la maison et voir les autres enfants aller à l’école. J’ai repris la classe de 6e mais je ne me décourage pas. Je vais bien étudier pour devenir infirmière>>, nous confie-t-elle.
Christine Sawadogo en route pour l’école ( pour des travaux de groupe).
Quant à Wendkuni, elle a décidé d’arrêter les cours pour le moment et chercher du travail. << Vue mon âge, je préfère chercher un emploi qui me permettra d’économiser afin de m’inscrire dans un centre de formation pour apprendre la coiffure ou la couture>>, nous confie-t-elle.
En outre, notons qu’au cours de cette rentrée scolaire 2023-2024, 539 établissements qui ont été auparavant fermés sont réouvert, dont ceux de Tamounouma (village natal des sœurs Sawadogo). Cependant madame Tandamba a décidé de garder ses sœurs à Ouagadougou. <<Il est vrai que les écoles sont réouvertes dans notre village mais je préfère les garder ici. La situation sécuritaire n’est pas encore à 100% stable là-bas. Ce sont les VDP qui assurent la sécurité et on espère que tout ira de mieux en mieux>>, conclue a-t-elle.
En attendant que Orokia, Christine et Wendkuni puissent retourner chacune dans sa localité d’origine, rappelons qu’à l’issue de la réouverture des écoles fermées, 186 142 EDI ont été réintégrés au compte de l’année scolaire 2023-2024.

                                    Mohamed DOUMBIA

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