« Massacres de populations et conflits communautaires : où en est le Burkina Faso un an après Yirgou ? », des analystes et acteurs politiques ou de la société civile ont échangé ce vendredi 21 février 2020 sur la thématique. Le panel organisé par l’Institut FREE Afrik avait pour objectif de susciter le débat autour de la question des conflits communautaire et de leur impact sur le vivre ensemble.
Pour parler du drame et de ses conséquences, trois panélistes ont été conviés au débat. Il s’agit du Maire de Barsalgho Abdoulaye Pafadnam, commune à laquelle est rattachée le village Yirgou et qui accueille les déplacés. Autres panélistes, le professeur sociologue et biologiste Issoufou Ouédraogo et Afsatou Diallo du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des populations.
Dès l’entame des débats, le modérateur du panel Boukary Ouoba plante le décor : il ne s’agit pas de « remuer le couteau dans la plaie mais de trouver des solutions pour notre vivre ensemble et de susciter une mobilisation nationale ».
Dans sa présentation de l’état des lieux à Barsalgho et du Centre nord, le Maire a fait savoir que dès la survenance du drame, le conseil municipal s’est rendu sur les lieux à Yirgou. Par la suite le conseil à travailler à ramener les déplacés à la Marie de Barsalgho. Il affirme que le premier camp s’est ouvert avec 460 pensionnaires et a atteint plus tard 967 personnes. Selon le Maire Abdoulaye Pafadnam, depuis le drame, Yirgou s’est vidé de ses habitants.
Aujourd’hui, à Barsalgho, affirme le Maire, « tout le monde a peur de tout le monde ». Et il y a une dégradation de la situation sécuritaire. « Lorsque vous emprunter une piste, vous préférez croiser un lion que de rencontrer une personne. La psychose est totale, personne n’a confiance à personne », a confié le maire. Et de poursuivre que « Sur les 70 villages que compte Barsalgho, seuls 10 ne sont pas encore vidés de leur population ». Abdoulaye Pafadnam a ajouté également qu’avec la situation, les messes n’ont plus lieu et les prières de vendredi sont pratiquement inexistantes. Pour lui, il faut nécessairement une solidarité nationale plus active.
En ce qui concerne l’évolution judiciaire sur ce drame, Afsatou Diallo du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des populations estime qu’on est encore loin de la vérité. Pour elle, la libération des deux derniers inculpés de l’affaire fait que « le Collectif a un sérieux doute sur la capacité de la justice à situer les responsabilités sur le crime ». Elle a expliqué que sur les 180 personnes qui devaient être entendues dans le dossier, seulement une vingtaine a reçu des convocations et 8 suspects ont été mis en examen. Il reste alors 160 convocations.
Afsatou Diallo dit regretter le traitement politique qui a été réservé à l’affaire de Yirgou. « C’est comme si c’était une banale affaire », dit-elle. À l’entendre la gravité du drame de Yirgou imposait que l’État décrète au moins un deuil national.
Le Pr Issoufou Ouédraogo, biologiste et socio-analyste, trouve qu’il y a une insuffisance d’engagement des intellectuels à dénoncer les atteintes aux droits de l’homme. Il pointe du doigt le silence des personnes ressources comme une complicité. « Les gens doivent écrire, prendre des positions pour conscientiser et apporter des solutions ». À l’écouter, les burkinabè doivent pouvoir surmonter Yirgou. C’est ce qui fait la force d’un peuple. « On trouve des cas de mésententes dans toutes les sociétés, mais cela ne doit pas rester éternelles et empêcher le vivre ensemble ».
A l’issue des débats, des propositions et recommandations ont été faites aussi bien par les panélistes que les participants afin d’éviter tout genre de conflits communautaires au Burkina Faso.